La fatigue chronique du personnel soignant compromet non seulement son propre bien-être mais constitue un réel danger pour la sécurité des patients. 

La fatigue du personnel de santé : une menace silencieuse pour les patients et soignants

 

Le HSSIB, organisme indépendant d'investigation des incidents de sécurité dans le système de santé anglais, a mené une enquête approfondie auprès de nombreux établissements du NHS. 

 

Elle met en lumière une réalité souvent invisible des services de santé : la fatigue chronique du personnel soignant compromet non seulement leur propre bien-être mais constitue un réel danger pour la sécurité des patients. 

 

L'enquête a adopté la définition de la fatigue de l'Organisation de l'aviation civile internationale, à savoir : "Un état physiologique de réduction des capacités de performance mentale ou physique résultant d'un manque de sommeil, d'une veille prolongée, de la phase circadienne et/ou de la charge de travail qui peut altérer la vigilance et la capacité à accomplir des tâches liées à la sécurité."

 

 

Méthodologie

 

Le HSSIB a analysé plus de 28 600 signalements d'incidents de sécurité sur une période de 13 mois et complété par des enquêtes ciblées auprès de soignants.

 

Des résultats alarmants

 

Les données recueillies sont préoccupantes :

  • Parmi 28 629 incidents signalés, 1 351 (4,7%) mentionnent la fatigue comme facteur contributif
  • Sur 577 soignants de nuit interrogés, 68% rapportent un manque de concentration, 58% des micro-sommeils pendant leur service, et 39% une diminution d'empathie envers les patients
  • Une enquête auprès de 481 médecins révèle que 22% se sentent privés de sommeil quotidiennement et 19% de façon hebdomadaire
  • 42% du personnel de nuit admettent des micro-sommeils au volant en rentrant chez eux
  • 17 incidents avec préjudice patient et 69 quasi-accidents directement liés à la fatigue ont été documentés

L'étude révèle également que les conséquences les plus fréquentes de la fatigue sont les erreurs médicamenteuses, l'altération de la prise de décision, la réduction de l'attention et de la vigilance, et l'incivilité envers les collègues et patients.

 

Des facteurs multiples qui se renforcent mutuellement

 

L'enquête identifie plusieurs facteurs qui contribuent à la fatigue du personnel :

 

Facteurs organisationnels : L'étude identifie clairement les temps de travail de 12 heures ou plus, l'insuffisance des installations de repos, les pauses inadéquates pendant et entre les postes, la rotation rapide entre postes de jour et de nuit, ainsi que la charge de travail élevée et le manque de personnel comme principaux facteurs institutionnels aggravant la fatigue des soignants.

 

Facteurs personnels : En parallèle, des éléments individuels comme les responsabilités familiales, la ménopause et grossesse, certaines pratiques religieuses (notamment le jeûne du Ramadan) ainsi que les facteurs socio-économiques poussant à cumuler plusieurs emplois.

 

L'un des aspects les plus troublants de l'enquête est la persistance d'une culture qui valorise les longues heures de travail , particulièrement chez le personnel senior. Cette culture du "superhéros" médical, exacerbée pendant la pandémie de COVID-19, constitue un obstacle majeur à la reconnaissance et à la gestion efficace de la fatigue.

 

La fatigue est perçue comme une responsabilité individuelle, avec peu de responsabilité organisationnelle, ce qui conduit parfois à une culture de blâme et à des actions punitives lorsque le personnel est fatigué.

 

 

Le besoin de solutions systémiques

 

Le rapport formule plusieurs recommandations clés :

  • D'intégrer l'évaluation et la gestion de la fatigue des soignants dans leurs démarches qualité et sécurité des soins
  • De mettre en place des systèmes de détection et d'analyse des événements indésirables prenant en compte la fatigue comme facteur contributif potentiel
  • D'aménager les organisations de travail pour limiter les facteurs de risque identifiés (durée de travail, qualité des temps de pause, gestion des transitions jour/nuit)
  • De développer des programmes de sensibilisation et de formation sur les risques liés à la fatigue
  • De promouvoir une culture de sécurité où signaler sa fatigue est valorisée comme un acte responsable plutôt que stigmatisé

La fatigue du personnel doit être considérée comme un véritable enjeu de sécurité, tant pour les patients que pour les soignants. La sécurité des patients ne peut être dissociée du bien-être de ceux qui les soignent.

 

 

Source: Health Services Safety Investigations Body (HSSIB). (2025). Fatigue risk in healthcare and its impact on patient safety.

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